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Cie C.Loy – Cécile Loyer
Villes de papier
- mercredi 19 mars 15h00
- Étampes, Théâtre Intercommunal d'Étampes
Dans les années 1930, aux États-Unis, l’augmentation rapide du nombre d’automobiles entraîna la construction de nombreuses autoroutes et, avec elles, la création des stations-service. Dans chacune d’entre elles, les automobilistes, qu’il fallait fidéliser, recevaient en cadeau des cartes routières. Chaque compagnie pétrolière avait son cartographe et imprimait ses propres cartes routières. Et, pour s’assurer que ses cartes n’étaient pas copiées par les concurrents, chaque cartographe y inscrivait de fausses villes, des villes imaginaires… des villes de papier, comme une signature ou un copyright.
Au mois de janvier 2020, je rentrais à la maison avec mon fils César (11 ans à l’époque) à qui j’avais raconté cette histoire, et nous sommes passés devant un campement de réfugié·es installé depuis plusieurs semaines le long du canal de l’Ourcq (Paris, XIXe). C’était un regroupement de tentes identiques, collées les unes aux autres. Du linge était suspendu sur des fils accrochés aux arbres, aux poteaux électriques, coincés entre deux pierres ou deux bouts de bois. Il y avait aussi un baril d’où sortait de la fumée… Mon fils m’a dit alors :
« Tu as vu, c’est un village de papier ! » On a continué à marcher quelques mètres, en silence, et tout à coup il s’est écrié : « Non ! ce n’est pas ça… parce que, eux, ils sont là pour de vrai, mais ils ne sont pas écrits sur la carte. »
Ils ne sont pas « écrits »… en effet. Ils ne sont inscrits sur aucune carte, sur aucun papier, nulle part.
La même année, je me suis lancée dans la création d’une série de pièces intitulées Kartographie(s).
Chacune de ces pièces a réuni une trentaine d’amateur·es, habitants et habitantes des départements où elles ont été créées et présentées, et quatre danseurs et danseuses professionnelles ; des femmes, des hommes, des adolescent·es et, parmi eux, des demandeurs et demandeuses d’asile. Notre souhait pour ce projet était de témoigner ensemble de la question de l’accueil des réfugié·es, aujourd’hui, en France.
À l’automne 2020, la crise a rendu difficile l’aboutissement des deux Kartographie(s) entreprises à Châteauroux d’abord, puis Orléans.
Mais le problème reste entier et je remarque que mes enfants se sont habitués à voir des personnes allongées sur les trottoirs – au risque de ne plus les voir du tout. Je veux qu’ils apprennent à s’indigner, à dire non à cette normalisation de l’inhumanité, et qu’ils sachent que l’on peut agir, même par des gestes simples.
Avec Villes de papier, j’ai donc décidé de poursuivre cette recherche avec (presque) la même équipe, en pensant et en m’adressant cette fois à un public d’enfants à partir de 8 ans.
Karim Sylla a rejoint les danseur·ses Sonia Delbost Henry, Mai Ishiwata et Steven Hervouet. En 2013, sans rien dire, Karim a quitté sa famille parce qu’il ne voulait plus être une charge pour sa mère. Il avait alors 13 ans. Il a aujourd’hui 23 ans et commence doucement à se reconstruire, en dansant.
J’ai également demandé à l’écrivaine Violaine Schwartz, avec qui je collabore depuis 2014, de nous accompagner pour cette création, en s’appuyant sur le témoignage de Karim Sylla.
La version bilingue de Villes de papier, initiée par la Maison de la Danse de Lyon, nous offre l’opportunité de toucher et de rencontrer un plus grand nombre de spectateur·trices. Cette version donne également à la pièce une « nouvelle épaisseur », car Douglas Freire-Carrasqueira, qui signe l’histoire de Karim, met désormais en lumière d’autres situations d’exclusion et de discrimination, celles auxquelles il fait, en tant que personne sourde, régulièrement face.
Distribution :
Chorégraphie : Cécile Loyer
Assistant chorégraphie : Éric Domeneghetty
Interprétation : Sonia Delbost-Henry, Douglas Freire-Carrasqueira (pour la version quintet), Steven Hervouet, Mai Ishiwata et Karim Sylla
Plasticien : Barbu Bejan
Musique : Sylvain Chauveau
Textes : Violaine Schwartz d’après des entretiens avec Karim Sylla
Création lumières : Coralie Pacreau
Régie son : Emmanuel Baux
Production : C.LOY
Coproduction : Équinoxe, Scène Nationale de Châteauroux
Centre chorégraphique national de Tours – direction Thomas Lebrun